Thé et pesticides : retour sur l’enquête de 60 Millions de Consommateurs

« 17 pesticides dans votre tasse ! » En voyant les articles qui ont fleuri un peu partout la semaine dernière, il y a de grandes chances que, comme moi, vous ayez frémi et lâché votre tasse où flottait encore un petit sachet tout juste infusé. Mais une fois l’émotion passée, penchons-nous un peu plus sur ce qui se cache derrière ce titre racoleur. Est-on vraiment en train de s’intoxiquer en buvant du thé ?

Tout est parti d’une enquête intitulée « Les thés ne font pas tous l’unanimité«  menée par 60 Millions de Consommateurs dans son numéro de novembre. Malheureusement, les reprises de cette étude ont été faites de manière assez grossière, faisant ressortir sans nuance les éléments susceptibles d’attirer les clics et semant la panique parmi les teaaddicts.

Les journalistes de 60 Millions de Consommateurs ont comparé les feuilles de seize thés noirs Earl Grey et de dix thés verts à la menthe pour y relever les résidus de pesticides mais aussi les traces de métaux (aluminium, arsenic, plomb, mercure, etc.) et d’alcaloïdes pyrrolizidiniques (sous ce nom barbare se cache une substance produite naturellement par des mauvaises herbes qui peuvent contaminer les récoltes). Pour conserver toutes leurs saveurs, les feuilles de thé ne sont pas nettoyés, que ce soit lors de leur récolte ou de leur préparation. Donc bien évidemment, on peut trouver dessus des choses pas très sympathiques (qui heureusement ne passent pas toutes dans notre tasse de thé infusé).

Alors, oui, la présence de ces cochonneries dans le thé est un problème, surtout quand on en boit des litres comme nous ! Mais heureusement, la plupart des thés pointés du doigt dans cette étude sont des thés bas de gamme qui je l’espère ne font plus partie de vos placards depuis longtemps (notez juste que le meilleur thé vert à la menthe est le U bio et que le Earl Grey Auchan Bio arrive deuxième). Kusmi Tea est aussi cité mais ce n’est pas vraiment une surprise. Il y a quelques mois, des lots entiers de tisane de camomille avaient été retirés de la vente car ils contenaient beaucoup trop d’alcaloïdes pyrrolizidiniques. Vous savez ce qu’il vous reste à faire : gardez les jolies boites mais versez leur contenu à la poubelle (ou servez-vous en pour parfumer votre intérieur : c’est très chouette en pot-pourri).

Là où j’ai été un peu plus embêté, c’est en découvrant que Dammann Frères était mal noté, notamment avec son Earl Grey Yin Zhen qui est mon Earl Grey préféré de tous les temps. 60 Millions de Consommateurs révèle que ce thé comporte 17 résidus de pesticides différents. Un peu embêtée, je suis allée demander directement à la marque ce qu’ils en pensaient (merci beaucoup Sandrine pour ta réponse en toute transparence). La chose essentielle (et rassurante) est que, contrairement à ce que dit l’article de Mr Mondialisation, Dammann ne dépasse en aucun cas les limites réglementaires. Tous leurs thés sont conformes aux réglementations européennes. Les analyses pour chaque lot de thé sont d’ailleurs disponibles sur simple demande à Dammann.

Alors oui, 17 pesticides, c’est beaucoup mais à aucun moment il n’est fait mention dans l’article de la somme globale dans le produit. Est-ce qu’il ne vaut pas mieux 17 pesticides à des doses minimes que beaucoup d’un ou deux ? Bon on est d’accord, on rêverait tous de n’en voir aucun mais l’enquête est claire, aucun des thés évalués, même les bios, n’ont passé le test du zéro pesticide.

Et d’ailleurs, pourquoi comparer les thés bios et les non bios puisqu’ils ne sont pas soumis aux mêmes normes et réglementations européennes ? Dans un thé bio, on est censé ne trouver AUCUN pesticide. Il est donc un peu étrange que 60 Millions de Consommateurs ait bien noté ces thés bios qui ne respectent pourtant pas la législation.

La teneur en polyphénols, aux effets très bénéfiques sur la santé, est également comptabilisée. Ces derniers sont générés par les tanins. Or, chaque marque peut faire le choix de sélectionner un thé plus ou moins tannique pour changer le goût mais ce n’est aucunement en lien avec la qualité du mélange. De plus, la teneur en polyphénols n’est pas du tout réglementé. Alors pourquoi l’avoir mis dans le tableau au même titre que la présence de contaminants ?

Bref, vous l’aurez compris, pas de panique ! Cette étude pose en effet quelques problèmes d’interprétation, avec des notes dont l’attribution est assez mystérieuse. Elle a tout de même le mérite de soulever un vrai problème : les autorités doivent réglementer au plus vite la teneur en alcaloïdes puisque c’est une substance reconnue cancérigène ! 

Donc privilégiez le bio (mais vous l’avez vu, cela ne fait pas tout) mais surtout, optez pour des maisons de thé TRANSPARENTES !!!

Merci à beaucoup d’entre vous qui m’ont partagé ces articles. Ça me touche beaucoup que vous pensiez à moi et que vous ayez peur que je m’intoxique, même si on ne se connait pas (encore) pour de vrai.

Ah et si vous voulez flipper encore un peu, regardez donc Demain, tous crétins sur Arte ! Et mangez de l’iode !

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20 comments

  1. Mathieu says:

    Désolé d’aller à contre sens des autres commentaires mais votre article se résume à dire que « c’est pas grave de boire du thé avec 17 pesticides dedans si c’est mon thé préféré car l’étude sur mon thé preféré à pas l’air super crédible d’autant que la marque incriminé m’a dit que je peux en boire ».

    Ben oui que voulez vous qu’ils disent…

    La solution vertueuse serait de trouver un Earl Grey aussi bon et plus sain afin de de ne pas cautionner une marque qui vend du thé avec 17 pesticides.

    • sarrousse says:

      Non, ce n’est pas du tout ce que je voulais dire ! J’ai juste voulu laisser à la marque la possibilité de se défendre.
      L’étude de 60 Millions de Consommateurs est très crédible mais je suis juste un peu « sceptique » sur la méthodologie : ils comparent ce qui n’est pas comparable. Après, pour le coup des 17 pesticides, je suis tout à fait d’accord pour dire que c’est scandaleux et j’espère que depuis, ils ont résolu le problème.
      Et si vous avez un Earl Grey aussi bon à me recommander, je suis preneuse 😉

  2. Florence says:

    Merci pour cet article, en tant que créatrice d’une marque de thés et d’infusions bio j’ai choisi de ne proposer que du bio notamment pour le rooibos qui peut être consommé par les enfants et les femmes enceintes!

    Florence d’ANSÔME
    rooibos bio

    • Claudia says:

      On aimerait faire confiance au bio, mais comme nous pouvons le lire dans de multiples articles, dont celui-ci (merci à son éditrice), le bio n’est pas une garantie zéro pesticides, puisque tout dépend des normes du pays où il provient. S’il provient de chine par ex, il en contiendra pas mal… donc à quand une norme pour rassurer les consommateurs français/européens que nous sommes!

  3. bénédicte says:

    bonjour,
    je n’ai pas eu l’occasion de lire l’article mais au final quels thés ont obtenu les meilleurs notes ? En tant que grande consommatrice de thé , je suis à la recherche de thé sans trop de « cochonnerie »

    • sarrousse says:

      Malheureusement, je ne peux pas vraiment vous dresser une liste des maisons transparentes.
      Mais pour moi, ce sont les maisons qui peuvent fournir les analyses des thés qu’elles vendent (comme le fait Dammann par exemple sur simple demande au service client ou carrément Campagne de Thé où l’analyse est indiquée sur le sachet).
      Il faudrait contacter les maisons pour voir si elles acceptent de fournir les informations (une prochaine étape pour un prochain article ? 😉 )

  4. Riri says:

    Tu peux nous en dire plus sur les maisons transparentes? Parce que certaines (voire beaucoup) petites marques se fournissent chez les mêmes grossistes il me semble.
    Pas facile de s’y retrouver…

  5. Saveur-Thé Aurelien says:

    Article bien sympa qui remet les choses en place.
    En effet, c’est surtout (encore une fois) la grande distribution et non pas le thé en vrac (de manière générale).
    Ok je prêche pour ma paroisse, mais bon, c’est un sujet plus important que cela.
    Et comme dit Anaïs, si seulement ce problème ne concernait que le thé…

    • sarrousse says:

      Oui malheureusement, ça concerne tout ce qu’on se mange (et ce qu’on se met sur la peau)(et les produits ménagers) (bref la liste est longue).
      Mais c’est quand même bien de nous faire ouvrir les yeux sur ce que nous consommons.

  6. JessP says:

    Voilà un super article très clair, qui remet bien les choses à leur place!

    En résumé, le thé est concerné par plusieurs résidus de produits pas très sympathiques… comme à peu près tout ce que nous consommons! Nous sommes face à un pb global, et pas seulement limité au thé. Et la course aux clics à encore de beaux jours devant elle…

    Et merci pour tes investigations auprès de Dammann Frères: je peux continuer à boire mon thé noir de Noël tranquillement! 🙂

    • sarrousse says:

      Merci 🙂 Et oui, malheureusement, le problème n’est pas limité au thé. Mais il faut quand même faire attention à ce qu’on consomme. Il ne reste plus qu’à planter dans notre jardin pour faire des tisanes 🙂

  7. Anaïs says:

    Merci pour cet article ! C’est bien d’enquêter un peu sur le boulot des journalistes et de remettre les choses en ordre =).

    Quand j’ai entendu l’info je crois que je me suis inquiétée une micro seconde et qu’ensuite je me suis dit que c’était encore une manière de faire le buzz. J’étais pas bien loin de la vérité !

    Comme toi je pense que si l’on fait un minimum attention aux marques que l’on sélectionne les risques sont déjà diminués ! Parce que c’est clair qu’en prenant les marques bon prix en grande surface … On peut avoir de sacrées surprises !

    Je prends toujours le temps de regarder si les produits sont bio ou s’il y a des précisions sur la façon dont les plantes sont cultivées.

    De toute façon vu la quantité de tisanes que je bois ( ils parlent du thé mais je pense que c’est à peu près la même histoire ), j’aurais été un peu dans la galère si j’avais dû arrêter, ah ah ^^.

    Bises ! =)

    • sarrousse says:

      Et oui, pour la tisane, le problème doit être le même. A la différence peut-être que les plantes viennent plus facilement de France et sont donc mieux sourcées ? Cet article a quand même le mérite de nous faire réfléchir à ce qu’on met dans nos tasses.

  8. Esther HAUTIN says:

    Merci pour cet article qui décode celui de 60 millions de consommateurs, assez effrayant à priori !

    Il est évident que dans tous les cas, il faut privilégier les produits bio, car, même s’il ne sont pas à « ZERO pesticides », ils sont moins pollué… et en plus, c’est bon pour la planète !

    Pour ma part je préfère choisir des thés de qualité, même si cela est un peu plus cher. Il y a longtemps que je ne bois plus aucun thé en sachet de super marché dans lequel de toute façon on ne trouve que des résidus.

    J’avoue avoir cependant été tres étonnée de trouver des marques comme KUSMI dans cet étude…

    Concernant Damman, ok, ils ne dépassent pas la dose réglementaire, mais être dans la légalité ne veut pas dire grand chose, cela dépend de la façon dont sont faites les normes. Aujourd’hui, le glyphosate, c’est légal…. ce n’est pas pour autant dangereux pour la santé 😉

    Bonne fin de journée
    Esther

    • sarrousse says:

      Ah oui, pour la réglementation, je suis tout à fait d’accord avec toi ! Mais quand même, je ne trouvais pas très juste pour eux que des articles partagent des choses mensongères. Et oui : vive le bio !
      Pour Kusmi, malheureusement, derrière le joli marketing, je crois bien que leurs thés ne sont pas d’une grande qualité.

        • sarrousse says:

          Pour moi, un thé de qualité est déjà un thé qui ressemble à du thé et pas à de la poussière de feuilles.
          Ensuite, je pense qu’il est important de pouvoir un minimum le tracer : où il a été cueilli, dans quelles conditions, bio ou pas.
          Chacun a des critères différents : certains vont privilégier le bio, d’autres la qualité de travail des cueilleurs. D’autres vont simplement vouloir du goût. A vous de voir où vous placez vos curseurs de qualité 😉

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